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La parodie comme forme appartient à l'univers de l'ambivalence et du rabaissement. Omniprésente dans L'opéra de quat'sous, elle participe à la distanciation. Tous les langages sont ici pris dans les rêts de la Verfremdung, tous les codes culturels sont par Brecht «étrangéifiés ».

Quelques langages parodiés

La principale technique utilisée pour « mettre en scène » les langages sociaux, pour les montrer comme cités, consiste à les associer aux thèmes du bas corporel, ou à les rabaisser socialement : c’est un mécanisme que l’on retrouve assez souvent dans l’univers carnavalesque. Passons en revue les principaux genres du discours que la pièce ironise.

1. Le lexique de l’entreprise est transposé dans l’univers de la pègre, devenant ainsi ambivalent. C’est un des thèmes essentiels de la pièce. Dans ses Remarques sur L'opéra de quat'sous, Brecht insiste beaucoup sur le fait que Mackie est un homme d’affaires comme un autre. Voir la longue scène où il transmet sa société à Polly avant son départ (acte II, tableau 4) :

« Voici le livre de comptes. Ecoute-moi bien. Voici la liste du personnel. Etc. (p.44) « .

De même, tout le comique du premier tableau provient de la manière méthodique dont Monsieur Peachum gère sa société de mendiants (Peachum étant, comme Mackie, un homme d'affaires). On croirait entendre un responsable de la communication d’ONG. Citons par exemple :

«  Mon métier devient impossible ; il consiste à éveiller la pitié chez les gens. Il existe bien quelques trop rares procédés capables d’émouvoir le coeur de l’homme, mais le malheur est qu’ils cessent d’agir au bout de deux ou trois fois. Car l’homme possède une redoutable aptitude à se rendre insensible pour ainsi dire à volonté. (p.11) "

Toute la scène entremêle le thème picaresque du mendiant et le discours contemporain sur l’entreprise.

2. Autre langage mis en perspective par la pièce : le lyrisme amoureux, parodié de plusieurs façons. Quelques exemples.

Lors de la séparation de Mackie et Polly :

«  MAC : Dès que la nuit sera assez sombre, je prendrai mon coursier dans la première écurie venue, et avant que la lune ne brille à ta fenêtre, je serai déjà derrière les marais de Highgate.
POLLY : Ah, Mac. Ne m’arrache pas le coeur de la poitrine. Reste avec moi, et soyons heureux ensemble.
MAC : Et moi, il faut bien que je m’arrache le coeur de la poitrine, puisque je dois partir et que nul ne sait quand je reviendrai.
POLLY : Tout a été si bref, Mac. «  (p.47).

Ici, la parodie provient surtout de la juxtaposition avec ce qui précède : les préoccupations bassement commerciales exprimées par le couple. Et ce qui suit : immédiatement après cette séparation pathétique, Mackie, homme d'habitudes, se rendra comme tous les jeudis dans son bordel favori.

Autre duo d’amour, entre Mackie et Lucy, son autre épouse. P.62. On y retrouve le mélange du prosaïque et du lyrique. S’ajoute cette fois la répétition : répétition des déclarations, mais aussi répétition dans la déclaration. Enfin, l’omniprésence du mensonge incite le spectateur à prendre ses distances. Mackie ment, évidemment, mais aussi Lucy puisque l’enfant qu’elle « porte dans son sein » n’est rien d’autre qu’un coussin.

«  MAC : Lucy, c’est à toi que j’aimerais devoir la vie.
LUCY : C’est merveilleux, de t’entendre dire ça, répète-le.
MAC : Lucy, c’est à toi que j’aimerais devoir la vie. (...)
LUCY : Comment puis-je t’aider ?
MAC : Apporte-moi ma canne et mon chapeau ! (...) Lucy, le fruit de notre amour, que tu portes dans ton sein, nous unira pour l’éternité (p.62) « .

Le lyrisme amoureux en prend également un coup dans le récit des amours de Jenny et Mackie. Passage le plus significatif à cet égard : la « Ballade du souteneur » (p.52) chantée en duo par les anciens amoureux. Le mot « bordel », dans le refrain, vient casser l’illusion romantique[1].

« Nous vécûmes ainsi six grands mois de bonheur / Dans ce bordel où nous tenions notre état «.

Mais en fait c’est la « ballade » tout entière qui constitue une violente critique du discours (sentimental) tenu par Mackie. L’ambivalence du texte de Jenny est totale :

« Il me prouvait sa flamme en me rouant de coups. (...) Alors il m’allongeait un marron sans douceur / Et me laissait souvent dans un piteux état ! « .

D’une certaine façon, c’est toute la relation entre Jenny et Mackie qui est parodique. La duplicité et la vénalité de leurs rapports se traduisent bien par le fait que Jenny n’hésite pas à dénoncer à deux reprises son « amoureux ». Ici encore : rabaissement joyeux de l’amour courtois, qui n’est qu’une façade masquant les préoccupations matérialistes[2].

Signalons enfin que le lyrisme amoureux est moqué dès le début de la pièce par le couple Peachum, dans le song « d’au lieu de » :

« Ca vient de la lune sur Soho,
Ca vient de leurs sacrés « Sens-tu comme mon cœur bat ? « 
Ca vient de leurs « Johnny, j’irai où tu iras ! « 
Quand naît l’amour et que la lune croît sur Soho. « (P.18)

Vue par les Peachum, Polly, espèce d'Emma Bovary des bas-fonds, incarne à sa manière la vision romantique du monde .

" Les jeunes sont si romantiques ! Vous ne pouvez pas savoir ce que cette fille dévore comme romans ! " (Le Roman de quat'sous, p. 60).

 

  1. Plus ou moins voisin du lyrisme amoureux, le discours de l’amitié virile, qu’incarne principalement le shérif Brown, se trouve lui aussi totalement distancié.

On l’a vu lors du Chant des canons, à l'occasion du mariage dans l’écurie. On le voit aussi lors de l’arrestation de Mackie : Brown exprime sa souffrance dans un monologue tendu :

« Ah, Mac, ce n’est pas moi... j’ai fait tout ce que j’ai pu... ne me regarde pas comme ça, Mac... je ne peux pas supporter ça... Ton silence est effrayant. (Il engueule un constable) Ça suffit comme ça, ne te crois pas obligé de tirer sur la corde, cochon !... Dis-moi quelque chose, Mac. Dis quelque chose à ton pauvre Jackie... dis-moi un seul mot, pour me soutenir en ce sombre... (Il appuie sa tête au mur et se met à pleurer.) Il ne m’a pas jugé digne d’une seule parole. Il sort. (p.54) ".

La réplique suivante montre bien qu’on se trouve tout à fait dans la parodie. Mackie commente la scène qui vient d’avoir lieu et explique sa stratégie. La source à laquelle il a puisé pour construire son rôle, c’est la Bible : toute son attitude n’était qu’une citation.

« Ce pauvre Brown ! La mauvaise conscience incarnée. Et ça veut être chef suprême de la police. J’ai bien fait de ne pas l’engueuler. C’est ce que j’avais d’abord l’intention de faire. Mais je me suis dit à temps qu’un regard profond et plein de reproches le démonterait plus sûrement encore. Ça n’a pas manqué. Je l’ai simplement regardé, et il s’est mis à pleurer amèrement. C’est un truc que je tiens de la Bible. « (p.55)
[On le voit : Mac a les mêmes références que le chef d’entreprise J.J. Peachum].

Brown verse à nouveau quelques larmes quand approche la pendaison de Mackie, tandis que les deux hommes sont en train de faire leurs comptes :

« BROWN fond en larmes : Toute une vie ! toute une vie...
MAC ET BROWN : Je lisais dans tes yeux comme dans un miroir. « (p.84)

Cela dit, Brecht insiste sur le fait que Brown est totalement sincère dans sa relation à Mackie, ce qui rend ce personnage plus ambivalent encore. Son discours est parodique, mais lui-même ne joue pas son rôle. Mackie, quant à lui, apparaît bien comme révélateur du jeu des discours.

 

  1. De façon plus générale, toute la pièce plaisante les bonnes manières et le beau langage (On retrouvera cela dans Arturo Ui).

Voir par exemple la mise en place du décor des noces : Polly rêve d’une cérémonie dans les règles, ce que les hommes de Mackie sont incapables de lui offrir. Ils ne peuvent que lui proposer une caricature de mariage bourgeois, provoquant l’irritation de Mackie :

« Tu as tout à fait raison de protester. Un clavecin en bois de rose, et, à côté, un sofa Renaissance ! C’est impardonnable. »  (p.20)

Durant tout ce tableau, le langage de Mackie ne cesse de mêler les termes châtiés et la langue de la pègre. Mackie apparaît ainsi comme une espèce de « bourgeois-gentilhomme » :

« Pourrais-je maintenant prier ces messieurs de quitter ces loques crasseuses et de s’habiller correctement ? Après tout, ce n’est pas le mariage de n’importe qui. Polly, puis-je te prier de t’occuper des paniers de boustifaille ? (p. 21)« 

Le caractère parodique de la scène est encore renforcé par les allusions massives à la sexualité faites par les hommes de Mackie.

  1. Le texte est enfin parsemé de lieux communs, de ces banalités qui agrémentent la conversation quotidienne. Saturées de stéréotypes, les conversations n’en montrent que mieux le vide qui les constitue. On a un bel exemple de ce fonctionnement au moment de la pendaison, lorsque Mme Peachum scelle le sort de Mackie d’un dicton, avant que Brown n’évoque une fois encore les souvenirs de leur passé militaire :

« MADAME PEACHUM : Monsieur Macheath, qui l’eût dit, il y a une semaine, quand nous allions faire un petit pas de danse à l’Hôtel de la Pieuvre ?

MAC : Oui... un petit pas de danse.

MADAME PEACHUM : Que voulez-vous, le chemin de la vie est semé de ronces.

BROWN, au fond, au pasteur : Et dire que nous avons combattu ensemble, en Azerbaïdjan, au coude à coude, sous la mitraille ! »  (P. 86).

Le carnaval met en scène et rabaisse les mots de tous les jours. Distanciation, encore.

 

Grands textes cités

 

Carnavalesque, l’écriture de L'opéra de quat'sous se présente, on l’a vu, comme hyper-citationnelle. Brecht s’amuse en outre à jouer avec quelques grands textes culturels, le principal étant bien entendu L’opéra du gueux, dont la pièce constitue une réécriture. On peut aussi évoquer Goethe (Faust, cité p.48) ; Villon, dont plusieurs textes accommodés par Brecht fournissent chants et songs ; et surtout la Bible, à laquelle il est souvent fait allusion. On a vu plus haut qu’elle servait à Mackie de réservoir de comportements ; Peachum également utilise les citations bibliques (détournées) comme argument dans ses relations avec autrui.

" Se marier ! Ma fille doit être pour moi ce qu’est le pain à l’affamé. (Il feuillette sa Bible...) C’est même dit quelque part dans la Bible. D’ailleurs, le mariage, ce n’est jamais qu’une cochonnerie. « (p.16)

La Bible constitue par ailleurs le principal réservoir d’inspiration pour ses pancartes [3]. Il possède ainsi tout un stock de formules bibliques qui, proférées par ses mendiants, deviennent des espèces de slogans publicitaires. Monsieur Peachum fait à ce propos (dans le Tableau 1) un commentaire implacable et pertinent qui insiste sur l’incessante usure du langage. Pour émouvoir le public et gagner sa croûte, Peachum, sollicitant sa "muse vénale", se voit obligé de renouveler sans cesse les formulations :

" Dans la Bible, il y a peut-être quatre ou cinq maximes qui parlent au cœur ; quand on les a épuisées, on se retrouve sans gagne-pain. Tenez, par exemple, cet écriteau : « Donne et il te sera donné », depuis trois malheureuses semaines qu’il pend ici, il ne fait plus aucun effet. Le public veut toujours du nouveau. Evidemment, je vais encore mettre la Bible à contribution, mais combien de temps cela suffira-t-il ? » (p. 12).

Spécialiste de la Bible, Peachum est un maître du langage ; mais il est sans illusion sur les mots. De tous les personnages de la pièce, il est certainement le plus lucide sur la question des signes, - c'est aussi un virtuose de la citation.

 

Citation, déguisement, masque

"Du berceau à la tombe, le linge avant tout !" (Une putain, p. 51).

 

L'opéra de quat'sous adopte un regard parodique sur toute réalité. Les mots, les comportements y sont toujours plus ou moins cités. Il n'est pas étonnant, dès lors, que le déguisement soit un thème récurrent dans l'œuvre, – la citation étant une sorte de déguisement verbal, d’accessoire linguistique.

Sur ce point encore, Peachum est un personnage-clé. Sa réflexion sur le texte rejoint l'utilisation qu'il fait du vêtement : pour le mendiant, le vêtement est un argument, un signe qu'il importe de construire en utilisant toutes les ressources des codes culturels [4]. Avec le costume approprié, on séduit, on apitoie, on triche mieux.

C'est au moment de l'exécution de Mackie que se manifeste le plus clairement la vision carnavalesque qu'a Monsieur Peachum des relations entre les hommes. Le thème du déguisement traverse tout ce passage, notamment le tableau 7 (acte III). Peachum prépare une manifestation de mendiants, où tout est joué (les mendiants forment à la fois une troupe et une armée [5]). Et face aux menaces de Brown, Peachum présentera son cortège comme constitué de "quelques jeunes gens qui veulent fêter le couronnement de leur reine en organisant un petit bal masqué" (p.72).

Mais les mendiants ne sont pas les seuls à se déguiser, tout le monde le fait dans ce tableau : Lucy par exemple, qui simule la grossesse avec un coussin ; Brown, qui revêt son habit de fête ("Un jour comme aujourd'hui, il faut absolument que je mette mon uniforme de gala (p.73))" ; ou Polly, qui doit s'habiller en veuve ("Change-toi. Ton mari va être pendu. Je t'ai apporté ta robe de veuve. (Polly se déshabille et passe la robe de veuve) Tu feras une veuve ravissante. (p.78)").

Le costume une fois enfilé, reste à mettre le masque : " Et maintenant, souris un peu. Ne fais pas cette tête d'enterrement (p.78) ". On le sait, ce passage le montre à merveille : rien de tel que le carnaval pour mettre en évidence la mise en scène de la vie quotidienne. Le carnaval, ou la maison de passe. Que l'on se reporte par exemple au tableau 5 (acte II, p. 49 et suivantes) : on y verra combien Mac et les prostituées sont sensibles à la question du vêtement.

 

 

Fripons et sots, personnages-types de l'univers carnavalesque

 

 

 

 

Mackie Don Juan

          " For black, brown, and fair his inconstancy burns.
            And the different beauties subdue him by turns. "

            John GAY, The Beggar's Opera, air LXIX (Lumps of pudding)

 

Séducteurs impénitents, Don Juan et Mackie sont hommes de catalogues : liste de conquêtes féminines ; mais aussi liste interminable de crimes et délits.

Lorsque Don Louis, père de Don Juan, rappelle à son fils (acte IV, sc.4) "cet amas d'actions indignes, (...) cette suite continuelle de méchantes affaires" qui font de lui un "infâme", on pense au catalogue des méfaits de Mackie, que déroule Polly dans le tableau 5 (acte II).

" J'ai apporté une copie des avis de recherche, je ne sais pas si je retrouverai tout, C'est une liste qui n'en finit pas... Tu as tué deux commerçants, commis plus de trente cambriolages, vingt-trois agressions à main armée, des incendies volontaires, des meurtres avec préméditation, des faux et des usages de faux en série et des outrages à la magistrature à n'en plus finir. (...) Tu es un homme épouvantable, Mac. " (p.41)

On dirait vraiment Leporello égrainant la liste des mille e tre.

Les analogies ne manquent pas entre le destin du grand seigneur méchant homme et celui du gentleman Macheath. Comme Mackie, Don Juan est un assassin, ce qui apparaît de façon particulièrement nette dans le prologue du Don Giovanni de Mozart–da Ponte. Le corps transpercé du commandeur, son agonie en direct, sont dignes des meilleurs exploits de Mackie Messer, tels que les évoque la « moritat »–prologue de L'Opéra de quat'sous

Don Juan et Mackie sont aussi deux hommes de fuite [9]: en cavale, fuyant la vengeance, ils seront au bout du compte rattrapés par leurs poursuivants (Peachum pouvant être lu alors comme une espèce de commandeur dégradé, – la figure du Père, ici, est grotesque : chez Brecht–Hauptmann, on est plus dans la bouffonnerie).

Don Juan et Mackie sont encore de fins connaisseurs du discours religieux, qu’ils utilisent sans vergogne. Quand on lit, à propos de Mackie : « Il fait fi de la Bible, et le Code, il s'en fout. Car il se croit le plus malin de tous » (Ballade de l’esclavage des sens , Tableau 4, p.47), on croirait entendre Sganarelle parler de Don Juan (acte I, sc.1).

Les deux personnages incarnent, chacun à sa façon, une contestation radicale de l'ordre social. Dans les deux œuvres se joue une même transgression : le bourgeois/l’aristocrate y est aussi un truand.

Don Juan, maître des signes, parvient à concilier les deux positions grâce à son hypocrisie virtuose (sa maîtrise absolue du discours du Ciel) : il pourra ainsi conserver ses « douces habitudes » tout en restant parfaitement intégré à la bonne société. Mackie de son côté, aidé par la Providence, sera tout simplement « élévé à la noblesse héréditaire ». Le cambrioleur de banque peut ainsi, maintenant, fonder une banque [10].

On le voit : le mythe de Don Juan et l'œuvre de Molière figurent en bonne place dans l'intertexte de L'Opéra de quat'sous.


 
[1] On notera que la dénonciation du mensonge lyrique passe souvent par la juxtaposition du discours amoureux le plus suave ou le plus éthéré, et de discours, ou d’interventions sonores, totalement prosaïques. On se rappelle la séduction d’Emma Bovary par Rodolphe, ponctuée par les bêlements et meuglements du comice agricole. Polly a d'ailleurs, on l’a vu, un petit côté Emma Bovary, que ne manquent pas de souligner Monsieur et Madame Peachum, « Aimé ! Tous ces sacrés romans que tu as lus t’ont tourné la tête ! " (p. 38).

[2] On remarquera que dans la pièce, aucune relation d’amitié ou amoureuse n’est exempte de préoccupations financières. L’argent, ici, « prosaïse » en quelque sorte l’amour ; l’argent participe à la mise en cause carnavalesque.

[3] A côté d’autres sources, comme le langage des anciens combattants (« J’ai donné un œil pour la patrie », etc.)

[4] On notera également le va-et-vient extrêmement intéressant entre la "réalité" (le "vrai" vêtement de Filch) et son utilisation dans le contexte du marketing de la pauvreté : confisqué par Peachum, son vêtement deviendra "Équipement E, 'jeune-homme-qui-a-connu-des-jours-meilleurs'".

[5] Tout ceci s'accompagne évidemment d'une parodie du langage du défilé militaire, Peachum aboyant par exemple : " Troisième appel. Modification du plan de marche. Nouvelle direction : la prison d'Old Bailey. Marche ! " (p. 73).

[6] "Formes du temps et du chronotope dans le roman", dans Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, coll. "Bibliothèque des Idées", 1978, p.305 et suiv.

[7] Polly a du mal à comprendre cela : "Mais Mac, comment peux-tu les regarder dans les yeux, alors que tu les as rayés des vivants et que c'est comme s'ils étaient déjà pendus ? Comment peux-tu leur serrer la main ? (p.45) ". Elle suivra cependant sans discuter le chemin tracé par son mari.

[8] Soulignons aussi que Mackie est comme Don Juan (ou comme Peachum, du reste) un maître de la référence religieuse : il lui a suffi ainsi d’un regard, inspiré par la Bible, pour arracher des larmes de culpabilité au sherif Tiger Brown.

[9] Polly, à Mac (Tableau 4, p. 43) :
       « Et pendant ce temps-là, les autres sont à tes trousses. Comme une meute. »  PP 41.

[10]Une différence, quand même, entre Mackie et Don Juan.

Chez Molière, « un grand seigneur méchant homme » reste « une terrible chose », et le criminel connaîtra au bout du compte le châtiment : « Voilà par sa mort un chacun satisfait ». Comme l’indique le sous-titre de Don Giovanni, « Il dissoluto punito », la damnation est un ingrédient essentiel du mythe.
Le gangster de Brecht échappera, lui, à la punition finale, et sera au contraire tranquillement anobli (qu’il devienne grand seigneur, ne semble nullement être une terrible chose) : le happy end de Brecht/Hauptmann est plus sarcastique, plus inquiétant peut-être, que celui de Molière.