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Schweyk dans la deuxième guerre mondiale
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Jean-Marie PIEMME Le badge de Lénine, analyse
A. ETUDE DU TEMPS 1. Ordre 1 : ce qu'on sait de la vie de Roger Les épisodes évoqués de la vie de Roger sont les suivants : 1/ Renvoi du ministère pour cause de faute professionnelle (il y a 10 ans) et engagement comme vendeur d'encyclopédies ("au bout de quelques années noires") (p. 19). 2/ Rencontre de Nicole et Boubois dans un compartiment, et la conversation qui s'ensuit ("presque l'été", p.27). 3/ Nouvelle rencontre de Nicole, par hasard, dans la rue, des mois plus tard. Elle devient sa maîtresse. ("Ca s'est passé plus tard, bien après ce voyage en train." (p. 33). 4/ Rupture 41/ Rupture avec Nicole (plus ou moins deux ans plus tard : "nos deux années de liaison", p. 48). 42/ Le même jour : recherche de Nicole et récit à la serveuse du restaurant. Tentative de séduction de la serveuse. (première allusion p. 18). 43/ la recherche de Nicole se poursuit ("et au moment où j'allais raconter à la petite serveuse (...) devinez ce que je vois (...) ma Nicole qui passait(...) votre humble serviteur qui se lève d'un bond. " (p. 36), puis retour au restaurant. 44/ Même nuit : conversation avec le gorille dans un bar : "Elle me quitte ? Tant pis pour elle! La nuit se passait sans que je retrouve Nicole. J'ai quitté le restaurant. Je me suis dirigé vers un portier de bar." (p. 33). 45/ Retour au restaurant pour séduire la barmaid (quelques minutes après) : "J'ai repensé à la serveuse et je me suis mis à courir en me disant que peut-être j'arriverais juste pour la fermeture (...) et que cette fois j'allais tout faire pour l'emballer. (p. 41). " 46/ Coup de téléphone à Nicole, rencontre de Dimitri et découverte de la tentative de suicide de Nicole (pp. 44-47). 5/ Aujourd'hui 51/ Rencontre en rue de Nicole : elle va se marier avec Boubois. ("Ce matin" (p. 48) ; le 17 octobre (p. 48)). 52/ Même jour : projet de voyage : achat d'un billet d'avion (p.49). 53/ Même jour ("quelques heures plus tard" (p. 49)) : agression et rencontre d'Odile. 2. Ordre 2 : structuration temporelle du récit de Roger 21. Les strates On le voit : le récit de Roger fait allusion, dans un embrouillaminis apparent, à plusieurs épisodes du passé, tous en relation avec l'amour de Nicole. Rappelons les épisodes principaux. 1/ La rencontre, dans le train, de Boubois et Nicole par Roger : où la séduction de Nicole intervient en sous-conversation. Rivalité entre Roger et Boubois. 2/ La rencontre, au restaurant, de la serveuse à qui Roger raconte sa rencontre avec Nicole. Roger cherche à séduire la serveuse. 3/ La rencontre avec le barman un peu plus tard, dans un bar de quartier louche. Roger lui raconte une fois encore son aventure avec Nicole. Relation conflictuelle avec le barman. 4/La rencontre avec Dimitri dans la rue. Dimitri raconte sa rencontre avec Nicole. 22. Analogies Tous ces épisodes appartiennent en fait au même univers : ils présentent un certain nombre de caractéristiques communes. 1/ Il s'agit chaque fois de rencontres, fortuites, et presque toujours de premières rencontres. 2/ Ces rencontres donnent toutes lieu à la production de conversations, où le récit, et particulièrement le récit de vie, occupe une place importante. 3/ Ces rencontres se produisent chaque fois dans un lieu de transit, un lieu de passage, mouvant et provisoire. Un lieu dans lequel d'autres lieux sont évoqués. 4/ Il y est souvent question de séduction : en tout cas, le récit est un acte, qui intervient dans une relation de désir : pouvoir, conquête, rivalité mimétique. 23. Passages Ce sont principalement ces ressemblances entre les lieux et les épisodes évoqués qui facilitent le transit incessant conduisant Roger de l'un à l'autre. Celui-ci s'effectue de plusieurs manières. Citons notamment a) le transit par le biais d'un signifiant commun. Exemples : le saumon et le Pouilly-Fuissé, qui permettent de passer du banquet de Boubois au restaurant où Roger rencontre la serveuse (pp. 18-19) ; b) le transit par comparaison entre deux scènes, avec justification vraisemblable. Par exemple : dans un moment du passé, Roger se souvient d'un épisode antérieur. Ex : p. 40 : Roger évoque sa conversation avec le barman : "C'était (...) mon opinion [à ce moment-là], bien que, je dois le reconnaître, elle n'avait pas du tout été partagée par Boubois ... " -> Passage à l'épisode Boubois. p. 41 : [Roger raconte sa course entre le bar et le restaurant] " Mais en courant pour la rejoindre [la serveuse], je me suis souvenu que Boubois m'avait au fond mis en garde contre Nicole. " -> Passage à l'épisode Boubois. Plus loin (p. 42) : "Je me rappelais qu'une fois ce cours de politique internationale terminé, il avait ... " Passage alors au commentaire d'Othello fait par Boubois, qui ramène à la serveuse : "Évidemment, j'ai dû expliquer à la serveuse qui était Othello. " (p. 44). La confusion entre les épisodes est renforcée encore par le système des relais de narration. Le discours de Roger se caractérise par l'emboîtement des récits. Mais ceux-ci sont mal délimités, ce qui produit une remise en cause continuelle de la hiérarchie entre les niveaux. Pourquoi cette hiérarchie est-elle malaisée à percevoir ? Un bon exemple p. 27, où on voit - l'absence de guillemets, - le passage brusque d'un système des pronoms à un autre (notamment : pronoms soulignés) : " j'ai pensé Noter que cette ambiguïté est répétée dans le texte que joue la jeune femme, pp. 24-25 : ici la distinction est difficile à faire entre le texte joué (un système de communication) et la didascalie (un autre système de communication). Ex (fin du texte joué en abyme) : 3. Temps de l'énonciation : répétition de la répétition " Mais j'ai bien vu que le récit de mon affaire allait intéresser la fille. " (p. 19) Par rapport à ce système, comment situer le moment présent, la rencontre entre Odile et Roger ? Ce qui la caractérise essentiellement, c'est l'analogie avec les scènes précédentes : une rencontre fortuite, dans un lieu de passage, qui donne lieu à un récit, intervenant dans une stratégie de séduction. Roger souligne du reste, à plusieurs reprises, les ressemblances entre le présent et le passé raconté. Exemples : p. 20 : " pendant que moi, je me suis levé Il faudrait noter aussi toutes les analogies qui rapprochent Roger des différents personnages masculins du passé. Aussi bien Boubois (qui entre dans le compartiment en même temps que Roger entre sur la scène, qui pleure devant Roger comme Roger devant le barman, qui lui aussi est incapable de faire le deuil de ses anciennes compagnes, ...) que Dimitri, l'autre Mickey (Dimitri que Nicole a rencontré au cours d'un voyage, Dimitri, "chassé du parti pour crime de questions impertinentes", comme Roger a été chassé du ministère, Dimitri, avec qui Roger a "un air de famille", ...(p. 46)). Donc, Roger répète. Une répétition qui évoque la variation (" (il) vous rendait belle des mille visages qu'il avait croisés", p. 51). Une répétition qui produit de la beauté ("Toute une existence qui résonne comme un tambour. C'est beau cette musique-là!" (p. 52). Mais une répétition qui échoue à ressusciter l'original : la tentative de séduction d'Odile échoue : elle part, et le passé ne reviendra pas (" - Croyez-vous que cela puisse suffire à ressusciter Lénine, Nicole et les autres ? - Vous êtes cruelle. " (p. 52)). Comme Boubois, Roger ne peut pas admettre qu'il faille faire le deuil (il ne peut pas l'admettre parce que c'est inadmissible). Voyageur qui hait les voyages, il est entré dans l'infini de la répétition. Ce qui est, comme on sait, difficile à digérer : " C'est difficile d'accepter que les choses n'aient pas plus de sens que cela. Personnage baudelairien (), ange à jamais déchu, Roger ("Homme") évolue donc dans un monde de l'après, seul, condamné à retraiter les déchets, ad infinitum. Pour toute consolation, il ne peut que se rappeler le banquet, qu'a évoqué Boubois, en mangeant des hamburgers (). 4. Roger comme Ludvik " Plus Mlle Brozova me plaisait, plus j'enregistrais qu'elle appartenait totalement à ses contemporains, pour qui les gens de ma génération et moi-même sont confondus dans une même foule indistincte, marqués du même jargon inintelligible, de la même pensée surpolitisée, des mêmes angoisses, des mêmes expériences bizarres d'une époque noire et révolue. " (M. KUNDERA, La Plaisanterie, p 270) Si proche de celui de Lénine (de Lénine comme statue), le destin de Roger manifeste la parenté du devenir individuel et historique. De ce point de vue, la mise en présence de Roger et d'Odile peut aussi se lire comme confrontation du passé et du présent. La conversation de Roger et Odile, c'est le dialogue de l'homme vieillissant et de la jeunesse arrogante. C'est aussi la confrontation de deux rapports au politique. On pourrait, à cet égard, rapprocher la pièce du roman La Plaisanterie de Milan Kundera. La situation de Ludvik à la fin du livre est bien celle de quelqu'un qui perçoit la péremption de sa lecture de la réalité. La toute-puissance du présent (et en l'occurrence, d' un présent apolitique) rend le drame de Ludvik incompréhensible pour la jolie étudiante, Mademoiselle Brozova. L'incompréhension d'Odile face à Roger, rappelle celle que témoigne à l'égard de Ludvik Mademoiselle Brozova, la jeune maîtresse de son éternel rival. Ludvik, comme Roger, est confronté à la bêtise toute-puissante de la jeunesse, à la tyrannie du présent. Il voit "se refermer les eaux du temps qui, comme chacun sait, efface les différences entre des époques entières, donc combien plus aisément entre deux pauvres individus. " (La Plaisanterie, p. 270). 5. Mémoire, passage, chute : note sur les lieux et le temps a) Tous les lieux sont, on l'a dit, lieux de rencontre, lieux de passage, propices au récit de vie ; b) Souvent aussi, il s'agit de lieux où l'on mange, de lieux de consommation. Ils se distribuent suivant une ligne chronologique : le lieu de l'avant
(mets de qualité : saumon, chablis/Pouilly-Fuissé) : le banquet ; Le mouvement général : la déchéance. c) La salle de théâtre, espace de la représentation Quel lieu est représenté dans cette pièce en abyme ? Un lieu d'après la mort, lieu de déréliction. C'est le lieu de Roger (dans la mise en scène Sireuil : à la fin de la pièce, il neige sur Roger comme en ce lieu. Neige, sceau du Temps qui, en silence et en douceur, abolit les différences.). d) Roger : l'exclus De tous ces lieux (surtout le bar et le restaurant), Roger est exclu. Il y est le plus souvent perçu comme un corps étranger, comme un gêneur. Plusieurs fois expulsé. Ces lieux ne lui appartiennent pas ; éternel errant, il semble ne pas avoir de domicile fixe. Personne, du reste, ne semble avoir de chez-soi. La seule fois qu'on nous emmène dans une chambre, celle de Nicole, c'est pour y découvrir la tentative de suicide. B. CARNAVALESQUE 1. Le haut et le bas " Est-ce que je
peux un instant vous entretenir de l'ordure et de la grâce ? " L'ambivalence est une catégorie fondamentale de la pièce. Elle affecte tous ses constituants. Les lieux sont contradictoires, on l'a vu : c'est le cas tout spécialement de la salle de théâtre. On peut aussi évoquer le bar-boui-boui, où Roger cherche Nicole. Ou les toilettes du restaurant, qui sentent la brise marine. Les personnages sont eux aussi découronnés, ils sont tous doubles (au moins doubles). Il faudrait d'abord citer les métaphores animales, très nombreuses (Boubois babouin, mon lapin, Roger chien, zèbre, le barman gorille, etc), qui ont notamment un effet de rabaissement. Parmi les personnages doubles, le premier est Boubois : trivial mais intelligent, cultivé, féru de politique internationale. Il est cadre supérieur, mais dans un usine qui travaille les déchets. Arriviste, mais ses opinions politiques semblent plutôt égalitaires. C'est un costaud, qui fond en larmes devant Roger ; un beau gosse, chic, propre (p. 13), mais affecté d'"une fâcheuse propension à émettre des râles de poitrine chaque fois qu'il rit très fort" (p. 31). On lui associe aussi bien le raffinement du Pouilly-fuissé que la rusticité du sandwich aux rillettes. Etc. Roger, comme Boubois, est un oxymoron. Mixte d'intelligence et de vulgarité ; pathétique et ordurier, il est à la fois tragique et grossier (avec Odile, par exemple). Grivois et lyrique, Roger doit évidemment être rapproché de Mozart, dont il nous entretient à plusieurs reprises : le Mozart scatologique de la correspondance, mais aussi Mozart dont le chant, appel de l'infini, "monte au ciel" et que Roger écoute "avec ferveur". Mozart, comme Roger, à la fois Tamino et Papageno. Il faudrait aussi, certainement rapprocher Roger, animal et poète, de Gregor Samsa, l'autre voyageur de commerce, l'autre blessé, féru lui aussi de musique et de nourritures terrestres, déchet et amateur de déchets, dont le destin s'achève semblablement dans l'enfermement d'une nuit solitaire. Boubois et Roger ne sont pas les seuls personnages à l'identité incertaine. C'est vrai aussi - d'Odile, tiraillée entre les soucis quotidiens et l'exaltation de la scène, avatar peut-être de la Mouette de Tchekhov ; - de la serveuse, qui est en même temps étudiante, tout comme le barman-gorille ; - de Dimitri ; de Lénine bien sûr. 2. Le fripon, le bouffon et le sot " Son oeil se foutait doucement de chacune de ses phrases. " (p. 51) Roger est un avatar de ces trois figures de la tradition carnavalesque. Fripon, il y a chez lui un côté "parasite" : il s'installe, s'incruste, emprunte des cigarettes. Il semble surtout soucieux de satisfaire des besoins élémentaires. C'est un menteur : il semble parfois inventer l'histoire à mesure qu'il la raconte. Son attitude rappelle celle de certains grands valets de comédie (Sganarelle de Dom Juan, par exemple). Bouffon, double, mime. Roger est un amuseur : il raconte des blagues. Un comédien. Il joue tous les personnages dont il reproduit le discours. Il regarde les discours, les tient à distance, les montre. Il montre notamment l'imposture théâtrale. Par exemple, lorsqu'Odile répète son monologue, il joue à la fois le public et le metteur en scène. Sot. Apparemment incohérent, son discours est une parole de vérité ; parole étrangère, mise en cause des discours de pouvoir : discours politiques, médiatiques, discours des gens de théâtre. Cet effet de critique radicale des langages est produit principalement par le caractère de collage des discours (assemblage de fragments) que présente son dire. Son discours est polyphonique : il est tout l'orchestre, il chante toutes les voix. Un des personnages de la tradition littéraire dont il faudrait rapprocher Roger sur ce point (comme, du reste, sur beaucoup d'autres) : le Neveu de Rameau, de Diderot. Cfr par exemple ce passage du Neveu, qui pourrait facilement s'appliquer à Roger : " Il entassait et brouillait ensemble trente airs italiens,
français, tragiques, comiques, de toutes sortes de caractères. (...) Ici, c'est une
jeune fille qui pleure, et il en rend toute la minauderie ; là il est prêtre, il est
roi, il est tyran, il menace, il commande, il s'emporte, il est esclave, il obéit. Il
s'apaise, il se désole, il se plaint, il rit ; jamais hors de ton, de mesure, du sens des
paroles et du caractère de l'air. (...) En chantant un lambeau des Lamentations de
Jomelli, il répétait avec une précision, une vérité et une chaleur incroyables les
plus beaux endroits de chaque morceau (...). Tout y était, et la délicatesse du chant,
et la force de l'expression, et la douleur. Il insistait sur les endroits où le musicien
s'était particulièrement montré un grand maître. S'il quittait la partie du chant,
c'était pour prendre celle des instruments qu'il laissait subitement pour revenir à la
voix, entrelaçant l'une à l'autre de manière à conserver les liaisons et l'unité du
tout ; s'emparant de nos âmes et les tenant suspendues dans la situation la plus
singulière que j'aie jamais éprouvée... (...) Roger, comme le Neveu, est miroir des discours, incarnant une position possible de l'artiste. On peut dire aussi que, comme toutes les grandes figures de la tradition carnavalesque et picaresque, Roger se situe exactement sur la frontière qui sépare l'art et la réalité. 3. Oxymore La figure de style carnavalesque par excellence est l'oxymore () : on a déjà vu qu'elle était largement utilisée par la pièce, à tout propos. Ainsi, le couple Roger/Odile est lui-même un oxymore, "alliance de deux forces contraires" (p. 37). Roger, à un moment, attribue à Boubois cette réflexion sur
l'oxymoron, à propos des "conclusions fortuites" : Figure, donc, considérée comme emblématique. Intéressant, en outre, le fait que l'on rapproche ici le destin des individus et celui des sociétés. Effectivement, comme celle de Roger, la situation présente des sociétés européennes peut en effet se définir en termes d'oxymoron. Ambivalence, transgression, conjonction des contraires ; remise en cause des identités : tragique et bouffonne, l'Europe d'après l'effondrement du communisme est un oxymoron. Illustrent bien cette situation : Dimitri (sa langue notamment). Ou le couple Dimitri/Roger, les deux Mickeys. Ou encore la situation de Lénine. C. LE TITRE Quelles significations donner au titre ? "Le Badge de Lénine" est doublement un oxymoron, rencontre de deux termes a priori inconciliables () : 1/ Un oxymoron "est-ouest". Il illustre la rencontre, une certaine rencontre entre l'Europe de l'Est et l'Occident. Europe de l'Est, d'abord, personnifiée par l'image du révolutionnaire, par celui qui incarne la lecture intégralement politique de la réalité. Et en face, une certaine image de l'Occident, le badge, gadget apolitique (), produit par la société de l'image et de l'argent tout-puissants. Signifiant sans signifié : juste une belle tête de barbichu. Le titre met donc bien en évidence le caractère fondamentalement grotesque de la situation actuelle de l'Europe. 2/ Un oxymoron passé/présent. Le badge figurabilise la rencontre dérisoire du passé et du présent. Lénine : le passé ; gadget : le présent. Qu'est-ce qui définit le présent ? La perte de signification dans le tout-image. Le passé politique est ridicule, déboulonné. Ce titre évoque joliment le thème de la déchéance : Lénine est, un peu comme Roger, un ange déchu contraint à manger des hamburgers (). La perpétuelle victoire du présent sur le passé, le déclassement rapide des symboles est bien soulignée par la rectification d'Odile : " On ne dit pas un badge, on dit un pin's. " (Le titre de la pièce est ainsi, on le voit, d'emblée démodé). Dans les deux cas (est/ouest, passé/présent), l'oxymoron produit un effet de bouffon, de dérisoire. Les deux "rois", le révolutionnaire d'un côté, et le capitalisme de l'autre, se trouvent l'un comme l'autre découronnés. POUR NE PAS TERMINER Un écho baudelairien, extrait des Fleurs du Mal ("Le Voyage") :
" Amer savoir, celui qu'on tire du voyage ! Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
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