George Grosz : « Der Schuldige bleibt unerkannt »
("Le coupable reste incognito", 1919)

 

„Le coupable reste incognito“ – Dessin à la plume et à l’encre de Chine, collage sur carton, 50,7x35,5 cm. Chicago, The Art Institue of Chicago.

 

Réalisé en 1919, ce collage constitue une préfiguration intéressante de l’esprit de L’Opéra de quat’sous.

Le personnage à l’avant-plan nous évoque un peu Monsieur Peachum, mais surtout Mackie-le-Surineur ; et la femme derrière lui est une bonne image de ce que pourrait être Jenny-des-Lupanars.

Les thèmes évoqués sont déjà ceux de la cupidité, de la violence, du bordel, associés au motif du chaos urbain. Surtout, Grosz propose déjà  l'analogie du capitaliste et du souteneur.

Si l’on rapproche de  la « ballade de Mackie » le titre de ce dessin,  la parenté sera d’autant plus évidente.

« Le coupable, qui  reste incognito », c’est bien Mackie, le bourgeois-malfrat, ce requin dont on ne voit pas le couteau.

« Und der Haifisch, der hat Zähne
Und die trägt er im Gesicht
Und der Macheath, der hat ein Messer
Doch das Messer sieht man nicht. „

On sait, par ailleurs, que chez Grosz, les capitalistes sont à plusieurs reprises associés aux requins (notamment dans le portfolio "Ecce Homo" (1923)

 

Eléments de description du collage (il date de 1919 et fut présenté en 1920 à la Foire Internationale Dada).

 

  • Le « coupable », dessiné, occupe le premier plan. Il semble assis. Son front est plissé, il a le nez cassé, les narines dilatées, le cheveu rare plaqué en arrière.
  • Entre malfrat et bourgeois, c’est déjà un « pilier de la société ».
  • A son oreille, un musicien (collé) trompette « Trä-tä-tä »).
  • La phrase « Der schuldige bleibt unerkannt », en caractères gothiques, lui sort de la bouche.
  • Entre ses mains, deux éléments collés : quelques pièces de monnaie, et le mot « muerte », qui s’inscrit au milieu de branchages. L’argent d’un côté, la mort de l’autre.
  • Sur la main droite du « coupable », une ancre dessinée (tatouage ? ) ; à son poignet, un trousseau de clés (collé).
  • On peut lire, dressé au-dessus de sa tête, le mot « Kapitalisten ».
  • Occupant principalement le quart supérieur gauche du dessin, un entrelacs de lignes penchées évoque un paysage urbain (un port ?).
  • Avec des noms de villes (Hamburg, Swansea, Antwerpen, Newcastle).
  • Derrière et au-dessus du personnage, une femme nue, est tournée vers la gauche du tableau.
  • Elle a le faciès simiesque, les dents carnassières, son regard agressif et méfiant est dirigé vers le spectateur du collage. Sur sa fesse gauche, comme un tatouage, un oiseau ligoté et muselé est collé.
  • En haut du tableau, collé à gauche, le mot « Kuppler » (« maquereau », « accoupleur »).